Publié en 1938, alors que Hennings a 53 ans, Fleur et flamme est l’œuvre d’une femme usée par une vie d’audace et d’excès, qui se retourne une dernière fois sur le « conte disparu » de son enfance. Autrefois au cœur de l’avant-garde expressionniste, fondatrice du mouvement dada, pionnière de la performance et expérimentatrice infatigable, elle vit désormais, seule et pauvre, dans le village des Alpes suisses où elle s’était retirée, vingt ans plus tôt, avec son mari Hugo Ball.
Retraçant ses premières années en une succession de vignettes qui se déploient au gré de ses souvenirs, Hennings atteint ici une forme de pureté bouleversante dans l’évocation de son enfance pleine de rêves, de fleurs, de jardins et d’oiseaux. Mais c’est aussi un récit de formation pétri d’humour et de tendresse, où Hennings, tour à tour domestique dans un pensionnat, serveuse d’auberge, et employée d’un atelier photographique, raconte ses premiers émois poétiques et la naissance de sa vocation de comédienne. Elle nous permet ainsi de mieux comprendre l’origine de cette quête de sens et de beauté qui a fait d’elle l’une des artistes les plus importantes du 20e siècle.
Après Prison et La flétrissure, Fleur et flamme est le troisième et dernier grand roman autobiographique de Hennings. Son œuvre la plus apaisée et la plus lumineuse, qui trouvera toute sa place dans le panthéon des plus beaux récits d’enfance.
Roman traduit de l'allemand par Sacha Zilberfarb
Illustration de couverture : Rebecka Tollens
324 - 215 x 140 mm - 21€
PARUTION : 17 octobre 2025
Fabrice Colin,
Le canard enchainé
François Angelier,
France culture
Librairie Compagnie, Paris.
Emmy Hennings (1885 - 1948), figure majeure du mouvement dada, était une danseuse, artiste, poétesse et écrivaine allemande.
Elle est née en 1885 à Flensbourg, une petite ville du nord de l’Allemagne, proche de la frontière danoise. Issue d’une famille modeste, elle rêve pourtant très tôt de théâtre, comme elle le raconte dans Fleur et flamme. À 18 ans, elle épouse un comédien amateur, Joseph Hennings, avec qui elle a un fils mort en couches, puis une fille, Anna-Maria, qu’Emmy confiera à sa mère.
Ensemble, ils se produisent sur les places et dans des cafés à Moscou, Budapest ou Cologne. Pour Emmy, c’est le début de plus d’une décennie de vie de bohème, menée aux marges de la bonne société, mais où sa soif de liberté et d’indépendance se paie au prix fort : la misère, l’instabilité psychologique, la toxicomanie, la prostitution.
Après l’abandon de Joseph, Emmy passe plusieurs années entre Berlin et Munich, et se produit dans des cabarets (alors des lieux de l’avant garde artistique) où elle invente un art propre, mêlant déclamation de poèmes, danse, chant et pantomime, et devient une icône de la scène expressionniste. Sa beauté, sa singularité et ses multiples talents fascinent les artistes et les intellectuels de l’époque (dont son futur mari Hugo Ball), comme en témoignent les nombreuses œuvres, tableaux, photographies, poèmes, qui lui sont consacrés.
En septembre 1914, elle est condamnée à quatre semaines de prison ferme à Munich, à la suite de rebondissements liés à une vieille suspicion de vol remontant à 1910. À peine libérée, elle est de nouveau arrêtée, cette fois soupçonnée d’avoir aidé l’écrivain Franz Jung à déserter.
Peu de temps après sa libération, elle rejoint Hugo Ball à Zürich, où ils fondent, avec Tristan Tzara, Jean Arp, et d’autres, le Cabaret Voltaire, berceau du mouvement Dada.
Lassés de cette existence chaotique, Emmy Hennings et Hugo Ball se retirent dans le Tessin où ils mènent dès lors une vie d’ascèse, tout entière dédiée à la méditation et à l’écriture. Après la mort de Ball en 1927, Hennings se consacre à sa postérité et écrit une biographie. Ses conditions de vie sont très simples, voire précaires, et elle travaille comme ouvrière ou lavandière.
Elle meurt en 1948, oubliée de tous sauf de son ami Hermann Hesse, grand admirateur de son œuvre.